La maladie de Dupuytren
La maladie décrite par le Baron Guillaume Dupuytren , est liée à un épaississement de l’aponévrose palmaire, une structure située sous la peau de la paume de la main et des doigts. Cet épaississement s’accompagne d’une rétraction qui limite l’extension des doigts et peut infiltrer la peau. C’est une maladie bénigne, généralement indolore mais qui peut s’avérer très handicapante.
La maladie de Dupuytren est plus fréquente dans le nord de l’Europe et atteint plus souvent l’homme que la femme autour de 40 à 50 ans avec une fréquence de 4 à 10% dans la population générale, en France. Très souvent, un autre membre de la famille a présenté également la maladie (père, grand-père, oncle). Son origine est encore mal connue et semble multifactorielle (facteurs génétiques, alimentaires, certains médicaments et pathologies prédisposantes semblent impliqués).
En plus des mains, elle peut toucher les plantes des pieds ou plus rarement d’autres parties du corps.
Quels sont les signes de cette maladie ?
La maladie de Dupuytren peut toucher l’ensemble des doigts mais atteint préférentiellement les 4e et 5e doigts (80%). Elle peut être bilatérale dans la moitié des cas. Elle se traduit par l’existence de nodules et de brides (digitales, palmaires, digito-palmaires). La maladie peut parfois infiltrer la peau et créer des ombilications.
Il peut exister des dépressions en capiton et aussi des coussinets à la face dorsale des doigts.
Y-a-t-il besoin de réaliser des examens complémentaires afin de confirmer le diagnostic ?
Non, le diagnostic est clinique. Il n’y a normalement pas besoin de réaliser des explorations complémentaires.
Quelle est l’évolution de cette maladie ?
L’évolution est très variable d’un individu à l’autre. L’aggravation est généralement progressive et se fait par poussées. Ses poussées peuvent parfois survenir suite à un traumatisme minime ou une plaie. Il faut être vigilant vis-à-vis des formes à début précoce < 50 ans, familiales, ou encore bilatérales qui ont un potentiel évolutif plus rapide.
Quels sont les traitements possibles ?
A ce jour, aucun traitement médical n’a fait la preuve de son efficacité. Le traitement de la maladie de Dupuytren reste donc majoritairement chirurgical. On distingue deux grands types de chirurgie :
• La technique de « l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille ».
• Et L’aponévrectomie totale
Nous vous décrirons dans cet article uniquement l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille ( APA). Pour des renseignements sur la technique d’aponévrectomie totale, vous trouverez une fiche d’information complète disponible ici.
Qu’est-ce que l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille (APA)?
C’est une technique mini invasive de traitement du flessum des doigts dans la maladie de Dupuytren. Réalisée par un praticien ayant une excellente connaissance de l’anatomie, elle consiste en la section aveugle des « cordes » aponévrotiques, par le biseau d’une aiguille. Elle est indiquée dans les formes débutantes, ou avec un objectif plus limité dans les formes sévères que l’on ne souhaite pas opérer.
Cette technique peut être proposée dès lors que la rétraction empêche l’extension complète de la main et que le patient ressent une gêne fonctionnelle.
L’intérêt de l’aponévrotomie à l’aiguille est d’éviter une chirurgie « ouverte » de la main.
Nous la réalisons au bloc opératoire afin de garantir une sécurité optimale à nos patients. Elle consiste à sectionner les brides à l’aide d’une aiguille après réalisation d’une anesthésie locale. Il n’y a donc pas de grande cicatrice.
À la fin du geste, nous réalisons un « lipofeeling » en regard des zones traitées.
Il s’agit d’une injection de graisse prélevée dans le même temps opératoire au niveau de la cuisse. Cette graisse est ensuite réinjectée sous la peau. L’objectif est de diminuer le risque de récidive et d’assurer un matelassage satisfaisant sous la peau. Cette technique s’appuie sur les conclusions de nombreux articles scientifiques rapportant les bienfaits des thérapies par injection de cellules graisseuses.
Une attelle confectionnée sur mesure (maintien passif de l’extension des doigts) peut-être proposée dans les suites en fonction des atteintes.
En cas de récidive (50% des cas à 2 ans), il est possible de répéter cette technique sans risques majorés.
Quels sont les résultats et les avantages de l'aponévrotomie percutanée ?
Les bénéfices sont souvent spectaculaires: le patient sort du cabinet avec un simple pansement qu’il ôte rapidement au bout de quelques jours, et une mobilité immédiate. L’arrêt de travail n’excède pas 15j, contre plus de 4 semaines en moyenne pour une fasciectomie chirurgicale même limitée.
Il peut parfois y avoir une déchirure cutanée sur moins d’un centimètre , lorsque la peau est très adhérente, mais les soins locaux suffisent en quelques jours à assurer une cicatrisation spontanée et cette complication est mineure.
L’utilisation de la main traitée pour les activités courantes, hors travaux salissants, est immédiate. La reprise des activités manuelles en force est autorisée après 15 jours.
Quelles sont les complications de l'aponévrotomie percutanée ?
Les incidents et les complications lors de l’aponévrotomie percutanée sont rares.
Dans moins de 1 cas sur 1000 une rupture de tendon fléchisseur peut être observée dans les suites d’une aponévrotomie (cette complication requiert une réparation rapide). Une blessure ou section de nerf collatéral a été observée dans environ 1 cas sur 1000. Quelques cas d’algodystrophies localisées ont été observés. La survenue d’une infection sévère à type de phlegmon s’est avérée exceptionnelle en 35 années d’expérience de l’aponévrotomie percutanée. Des incidents mineurs et sans conséquences durables ont pu être notés dans environ 1% des cas : petites ruptures cutanées, infections superficielles mineures, ecchymoses, hypoesthésie temporaire dans une partie d’un doigt. Elles doivent être comparées en fréquence et en gravité avec celles observées après chirurgie classique: sections de tendons 2%, section nerveuse 5,2%, section artérielle 1,8%, algoneurodystrophie régionale 1,8%, amputations 0,1%.
L’avantage objectif de l’aponévrotomie percutanée est donc de connaître des complications bien moindres en fréquence et en gravités que celles observées après chirurgie classique.
Pour terminer, il convient d’insister sur le fait que l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille est une technique délicate qui doit être pratiquée par des médecins formés et entraînés, utilisant le matériel adéquat. Cette notion est de nature à influencer les résultats et à réduire la fréquence des incidents et complications.
Les indications doivent donc être choisies très attentivement, car malgré sa simplicité apparente, ce geste peut être dangereux s’il n’est pas réalisé par un spécialiste.
Quelle est la différence avec l’aponévectomie totale ?
L’aponévrectomie totale est indiquée pour les cas les plus avancés ; elle consiste à retirer le plus de tissus pathologiques possible.
Il s’agit d’une chirurgie minutieuse car les nerfs sont au contact des brides à enlever. Dans les cas les plus anciens, ou avec de forte rétraction, les articulations elles mêmes peuvent s’enraidir et il n’est pas toujours possible de retrouver une extension complète.
Parfois, la remise en extension du doigt « démasque » une perte de substance cutanée et la paume de la main doit être laissée ouverte.
La cicatrisation se fait alors d’elle-même avec des pansements réguliers pendant 3 semaines à un mois environ.
Un lambeau local est parfois utile, en particulier pour le 5e doigt.
Le port d’une orthèse (principalement la nuit) post opératoire se fait pendant 2 à 3 mois après l’intervention.
La reprise des activités manuelles et en force est plus tardive. Une fois la cicatrisation complète. Le risque de récidive atteint 50% à 5 ans. En cas de récidive, une nouvelle chirurgie est plus délicate car le tissus cicatriciel peut parfois envelopper nerf et artère, exposant à des risques de lésions vasculonerveuse.
Le Mot du spécialiste :
Au pôle Main Poignet Bordeaux Mérignac, le mouvement et le retour rapide aux activités sont au cœur de nos préoccupations. Ainsi, nous privilégions, tant que cela est possible, l’aponévrotomie à l’aiguille. Moins invasive, permettant des soins locaux plus courts et une récupération plus rapide, cette technique permet de « contrôler » l’évolution de la maladie, bien qu’elle ne permette pas « d’éradiquer » la pathologie. La récidive est systématique à distance mais elle peut être prise en charge de façon similaire, sans augmenter les risques post opératoires permettant ainsi de retarder le plus possible, le recours à une chirurgie dite « ouverte » dont les suites sont plus longues.
Attention, les informations données sur notre site internet ne vous permettent pas de réaliser un auto-diagnostic et ne sauraient se substituer à l’avis d’un médecin spécialisé en consultation. La liste des complications se limite aux plus fréquentes et n’est pas exhaustive. Votre chirurgien pourra répondre à toutes vos questions en consultation.
Pour en savoir plus : L’analyse de séries de patients traités par aponévrotomie percutanée à l’aiguille (APA) démontre des résultats immédiats tout à fait comparables à ceux obtenus par la chirurgie. Les résultats immédiats se révèlent excellents (89-92%) pour les flexions digitales globales inférieures à 90° (stades I et II de Tubiana), bons (83%) pour les flexions digitales inférieures à 135° (stade III), mais seulement de 48% pour les flexions digitales supérieures à 135° (stade IV). À cinq ans, les résultats très bons et bons se maintiennent pour les trois premiers stades (respectivement 92%, 74%, et 57% des cas) et chutent à 38% des cas pour le stade IV. Les récidives, de diverses gravités, s’observent approximativement dans 50% des cas dans toutes les séries médicales et chirurgicales. C’est à ce niveau que l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille présente un avantage notable. En effet, elle peut être aisément répétée en raison de sa simplicité, de son coût modéré, et de son innocuité, notamment pour le traitement des récidives et des cas nécessitant une nouvelle intervention même après une chirurgie, à l’exception des situations impliquant des cicatrices rétractiles ou des rétractions capsulaires au niveau des articulations interphalangiennes proximales des doigts.
Références bibliographiques :
• Lermusiaux JL, Badois F, Lellouche H Maladie de Dupuytren. Rev Rhum. 2001 ; 68 : 542-7.
• Lellouche H, Badois F, Teyssedou JP et al., Le traitement médical de la maladie de Dupuytren. Quoi de neuf en 2002 , La main rhumatologique, Med-Line editions.
• Beaudreuil J, Lermusiaux JL, Teyssedou JP, et al., Multiaponévrotomie à l’aiguille dans la maladie de Dupuytren : résultats à 18 mois d’une étude prospective,
• Minimally Invasive Options in Dupuytren’s Contracture: Aponeurotomy, Enzymes, Stretching, and Fat Grafting ,Amanda Murphy, 2013 – DOI: 10.1097/PRS.0000000000000603
• Kan HJ and coll, Percutaneous Aponeurotomy and Lipofilling (PALF) versus Limited Fasciectomy in Patients with Primary Dupuytren’s Contracture: A Prospective, Randomized, Controlled Trial. Plast Reconstr Surg. 2016 Jun;137(6):1800-1812. DOI: 10.1097/PRS.0000000000002224